Trapp Alexiane

DNSEP Art 2021 Alexiane Trapp © Alexiane Trapp
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DNSEP Art 2021 Alexiane Trapp © Alexiane Trapp
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DNSEP Art 2021 Alexiane Trapp © Alexiane Trapp
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DNSEP Master Art 2021 - Alexiane Trapp

Mes projets, indépendamment du médium choisi, sont toujours initiés par l’écriture, à partir de mes prises de notes, de pensées éparses, de récits ou de scénarii. J’écris ces corpus de récits qui ont pour volonté d’explorer des espaces physiques ou géographiques, d’interroger la porosité des êtres.

Ainsi, j’alterne entre l’écriture, la vidéo, la sculpture et la performance. Ces différentes pratiques me permettent de faire des liens entre mes projets, entre mes écrits, entre les espaces intérieurs et extérieurs, l’intime et l’immense, entre ces polarités opposées qui résonnent. Je m’intéresse aux refuges, aux habitats créés par les êtres vivants avec leur environnement, aux déplacements, pour comprendre mon rapport à ce qui nous entoure. Je cherche à habiter les espaces en y faisant vivre des fictions que j’écris, qui façonnent mon rapport au territoire, toujours en cherchant une forme d’organicité.

Au centre de mes réflexions, la phrase d’Etel Adnan retentit : « Nous sommes tous des capteurs, et c’est à tort que nous croyons tout contrôler ». C’est au sein de ces échanges de matières et d’énergies que je situe mon travail, au cœur des corps poreux.

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Visuel 1

À partir de trois histoires sur différents aliments ingérés habituellement immangeables, une anecdote personnelle, une historique et une coutume d’Afrique du Sud, j’ai développé un texte en me demandant comment certaines choses que l’on ingère peuvent faire acte de passage, devenir état transitionnel ou vivre à travers nous. Avec le vocabulaire de l’alimentation et de l’absorption, sans répondre à ces questions, je tente d’élaborer un cheminement vers la porosité de notre corps et de la manière que nous avons de le mettre en relation avec l’extérieur, de l’ancrer dans un territoire et, d’avec lui, gérer des évènements de nos vies.

Je lis ce texte en faisant un gâteau au chocolat avec la terre d’Aubervilliers, qui est ensuite donné au public. Je veux offrir la possibilité d’engager, pour ceux qui acceptent de manger le gâteau, un déplacement ou un moment de réflexion.

« La conscience se cogne contre les parois du corps et la tentation vient de l’intérieur »

J’arrachais les poils synthétiques de mon tigre en peluche pour les manger. J’avalais tous les soirs, dans mon lit, ce qui était implanté sur son corps. Mes parents essayaient de m’en empêcher, mais je continuais dans la pénombre de mes couettes. On me l’avait offert après m’avoir retiré les amygdales et végétations. Pensais-je remplacer mes organes par cette matière textile indigeste ?

Je vous fais un gâteau au chocolat
La recette de ma mère
Que j’ai faite et refaite, Qu’aujourd’hui je modifie légèrement

La perte a envahi mon corps et elle avale par la fente En remplissant instantanément le vide
Vite combler
Et laisser se propager le souvenir

Je me suis demandé comment certaines choses que l’on ingère peuvent faire acte de passage, devenir état transitionnel ou faire vivre à travers soi

Il y a ce qu’on avale
Pour faire vivre en nous les souvenirs Être réceptacle et habitacle d’un avant

Avaler pour faire passage
Que notre corps protège ces traces La peluche, les cendres, la terre

[…] »

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Visuels 2 et 3

Ce projet s’est décliné de plusieurs manières, avec différents médiums. À l’origine un récit, je me suis demandé comment le faire entendre, le montrer et l’installer. J’ai choisi différentes temporalités pour une seule et même histoire, en réalisant une vidéo et en lisant des extraits du texte dans une scénographie accompagnés d’objets que j’ai créés à partir de cette histoire.

L’après fin du monde, la Terre a brûlé et les derniers êtres humains ont été enterrés dans un bunker, à quelques kilomètres de la surface terrestre. Sous le regard de la protagoniste qui a l’air de faire corps hors du groupe, nous suivons leur remontée sur Terre après le Feu qui a tout dévasté, du moins le pensent-ils. Plus qu’une histoire sur leurs errances dans un monde calciné, c’est une rencontre avec un coin de vie sauvé par les flammes, la découverte d’un habitat vivant, et de la dernière survivante, dont le groupe retrouve le squelette. Je me suis demandé comment cette narratrice pourrait s’enticher de ce corps sans vie, d’une présence disparue, autant qu’elle fantasmait l’image d’un paysage, d’une planète qu’elle n’a jamais connue et dont elle avait des représentations à travers des livres, notamment du siècle des romantiques, et des documentaires sur la faune et la flore d’un passé disparu. Comment décrire un paysage lorsqu’on n’en a jamais ressenti ? Comment écrire la nature avec le point de vue d’une personne qui ne l’a jamais vue, comment trouver d’autres points de vue dans la description ?

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Visuel 4

J’ai disposé sept œufs en céramique dans une forêt, les laissant là pour que la perméabilité, due à leur cuisson, absorbe des traces de l’environnement choisi. Leur porosité les fera évoluer dans le temps, grâce aux surfaces sur lesquelles ils sont posés et aux éléments naturels. C’est un travail sur le long terme, je vais les retrouver plus tard, pour peut-être découvrir qu’ils feront partie intégrante du paysage, puis écrire une carte pour une chasse aux œufs. Cette carte sera accompagnée de textes sur les différentes perceptions et pensées que ce parcours serait susceptible de faire émerger chez les marcheurs.

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Visuel 5

En marchant, je regarde mes pieds pour ne pas trébucher sur les pierres, puis lorsque je m’arrête pour regarder le paysage, tout bouge. L’horizon est en mouvement, se rapproche et s’éloigne. Mes yeux font mal la convergence. Les montagnes respirent.

C’est de cette expérience que je me demande à quel point l’environnement change nos perceptions ou bien c’est notre regard qui modifie ce qui nous entoure. Quels sont nos repères dans cette instabilité ?

Dans la vidéo, des images de montagnes enneigées sont entrecoupées par la marche lunaire d’un corps qui disparaît dans les nuages et dont la silhouette se distingue que très peu à la fin. Les sous-titres, dont la narration alterne entre la première personne et la troisième, évoquent la stabilité des pierres qui n’aident pas tant à retrouver sa route et posent la question de ce qui fait mouvement et du regard. Les frontières avec le réel se brouillent, et c’est avec la boucle du film et du son réalisé par Adrien Edeline à partir de samples de Ben Frost que j’ai amplifié la perte de soi dans la nature.

Année
2021
Diplôme
DNSEP
Option
Art