Connaissez-vous les « paroles gelées » de Rabelais, bribes de paroles conservées dans la glace ? Les livres parlants de Cyrano de Bergerac, utilisés sur la lune ? Saviez-vous que le premier appareil de reproduction du son avait été inventé par un poète, Charles Cros, qui avait baptisé son invention « paléophone » (voix ancienne) ? Depuis l’invention des techniques de reproduction du son, ce qu’on pourrait nommer le « spectre de la voix » s’est considérablement élargi ; la voix a été superposée, détournée, transformée – que ce soit dans le cadre de la musique, de la poésie sonore ou de la performance. Formidable véhicule d’affects, de significations, d’intonations, la voix reste cependant un médium peu ou mal connu. On utilise sa voix pour parler. On utilise sa voix pour chanter, pour crier, interpeller, se faire entendre. On utilise sa voix de manière différente en fonction des contextes, des émotions qui nous traversent, des intentions que l’on veut faire passer, des personnes à qui l’on s’adresse. Mais au fond, que veut dire « utiliser sa voix » ? Estce que la voix est un instrument ou une émanation du moi ? Une part de son identité, une signature ou une matière malléable ? Utilise-t-on sa voix comme on utilise ses mains, ses jambes, ses yeux ? Peut-on entraîner sa voix, la modifier, la transformer ? Est-ce qu’on devient un autre lorsqu’on parle avec une autre voix ? Lors de cet atelier, nous nous intéresserons à la voix comme médium et comme instrument, comme véhicule expressif et comme expression subjective ; à la voix parlée comme à la voix enregistrée. A ses différentes expressions comme la lecture, l’imitation, le doublage, le chant, la conversation. Dans un double mouvement d’écoute et de production, nous irons écouter des voix insolites, drôles, troubles, décalées, pour ensuite essayer de les faire parler, de les imiter, de les triturer, de les monter, de les détourner. Nous utiliserons également nos voix comme une matière à tester, spatialiser, enregistrer, monter, fictionnaliser. L’objectif de ce workshop sera d’aboutir à une pièce sonore : un Object Vocal Non Identifié, rendant compte d’un trajet avec la diversité des expressions vocales.
Gilles Amalvi
est poète, critique de danse et créateur sonore. En tant qu'écrivain, il a publié Une fable humaine et AïE! BOUM aux éditions Le Quartanier. Depuis Radio-Epiméthée, il se consacre à l'exploration de l'écrit par le matériau sonore. Parallèlement, il a été écrivain associé au Musée de la Danse, enseignant à l’école d’Architecture de Rennes à l’Université Rennes 2 (Analyse de l’oeuvre chorégraphique) et il écrit pour le Festival d'Automne, le Centre National de la Danse, et collabore avec de nombreux chorégraphes.