DNSEP ART 2021 - Emma Lauro
Dans mes vidéos, l’absence de moyen est un élément avec lequel je joue : je filme volontairement avec un appareil photo assez ancien qui ne me permet pas d’effectuer de réglages, je fabrique des filtres de couleur avec des papiers de bonbon, des morceaux de gélatine, de papier sulfurisé, de collants, pour travailler manuellement la texture de l’image, son grain. Je joue avec la matière plastique qui accroche la lumière de différentes manières, crée des zones de flou, des surbrillances, transforment les lieux et les souvenirs.
Les filtres vivent, évoluent en même temps que le film, ils se décollent, retiennent les gouttes d’eau, attrapent certains rayons du soleil. Ils sont directement collés à l’objectif de mon appareil, les images sont irrémédiablement prises avec tel ou tel filtre, un peu comme avec la pellicule. Je filme spontanément tout ce qui m’interpelle, la lumière, mes amis, nos déplacements, nos vacances, nos errances, notre ennui, l’expérience des paysages que nous traversons.
Mon processus de prise de vue est détaché du montage, je découvre au dernier moment, quelles sont les images avec lesquelles je vais devoir composer. Imaginer, écrire dans ce huis clos d’écrans, quelle sera la trame narrative. C’est par le travail du montage que j’essaie d’insérer de la fiction dans le réel, de raconter une histoire. Je cherche à incorporer de la magie, du fantastique dans ces images de vacances, de quotidien banal. Il y a des récurrences dans mes films, comme celle des personnages qui sont des amis et reviennent parfois d’une vidéo à l’autre. Ils semblent souvent être dans des espaces d’attente, perdus dans le paysage, à errer, attendre que quelque chose se produise.
Filmer des personnes qui ne sont pas acteur.ices amène une plus grande proximité, une intimité, une confiance qui me permet de saisir un quotidien commun. Ils semblent souvent à la recherche de quelque chose, sont en mouvement, je les suis dans nos déambulations et regarde le paysage à travers eux.