Jérémie Nardella est fasciné par les nouvelles technologies et les différents outils connectés. « Ce qui m’intéresse essentiellement dans mon rôle de créateur, c’est la particularité qu’ont ces outils en tant qu’objets de diffusions qui sont relativement en perpétuelle évolution. »
Cet acte de « diffuser » est quelque chose d’ancré dans ses racines et qui n’est pas anodin dans ses différentes démarches. Faisant partie de la communauté Romanichel, ses ancêtres vivaient par leur déplacement et proposaient un cinéma ambulant. Ils traversaient de nombreux villages enclavés afin de diffuser non pas uniquement le cinéma mais aussi une culture, des coutumes, etc.
« Mon travail est influencé par l’acte de diffusion de mon héritage romanichel. »
Son travail est la synthèse de ce qu’il est, de son univers, de ses engagements, de sa vision du monde et de la culture à laquelle il appartient.
« Dans mes démarches, je m’approprie les outils virtuels afin d’en proposer un usage moins formel.»
- INSTAFILTER QUEER
Jérémie Nardella réutilise les outils de créations de filtres en réalité augmentées comme un moyen de représentation et de diffusions pour les LGBTQA+
« Les filtres au-delà d’être ludiques sont aussi des moyens efficaces de communication, de revendications et de transformations de son identité virtuelle. »
Inspiré des Tokusatsu (ndlr: terme désignant pour les non-initiés les effets spéciaux dans le cinéma et les séries populaires Japonais tel que San Ku Kai, Kamen Raider) il construit des personnages extravagants et fantastiques.
- INNERDANCE
Il propose un dispositif sensoriel permettant de vivre les mêmes expériences qu’un concert, un festival, une boîte de nuit.
« Je voulais reconnecter les communautés, particulièrement celle du monde de la nuit où certaines « minorités » avaient l’habitude de se retrouver » En plus de stimuler les sens, il a crée une expérience de festival de techno fictif immersif : DINOLANDIA (un monde imaginaire où les roches flottes, les feux d’artifices brillent de mille feux à l’infini et où les t-rex dansent avec vous).
« Tout est possible avec le virtuel, y compris pour créer des expériences uniques à l’image des artistes de la scène musicale »
- LES MYSTÈRES DE CAYAC
« Je transpose le réel dans une expérience de jeu vidéo afin de dénoncer l’ultra violence du monde tel que je le perçois et qui me révolte »
À partir d’un lieu réel qu’est le prieuré de Cayac à Gradignan, il a crée un jeu vidéo opposant un style graphique mignon inspiré de Animal Crossing et de la noirceur des hommes.
« Depuis que je suis petit, je vis la discrimination envers ma communauté, je vis la discrimination aux travers de mes proches issus de quartiers populaires, de cités, je voulais dénoncer tout cela par le prisme de la création d’un jeu vidéo qui est un moyen efficace d’en faire un objet social et politique. »
C’est l’histoire d’un petit lapin (Jimmy) qui doit élucider le mystère autour de l’origine des entités obscures dévorant petit à petit, le monde magique dans lequel ses amis et lui vivent depuis toujours. En traversant les différentes strates de territoires par le biais de terriers façon « Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll, Jimmy découvre au fur et à mesure l’horreur.
« Ici, je voulais dénoncer de nombreux problèmes dans notre société, allant de la pollution des espaces naturels à la petitesse de l’homme »
- PARDÈS
Pardès est une expérience virtuelle construite sur des logiques de jeu vidéo proposant un voyage vers un monde digital.
« Créer un territoire virtuel qui se façonne numériquement presque sans limites, une utopie virtuelle où on laisse les contraintes du réel derrière soi »
Cette invitation d’un certain retrait de la réalité repense aussi la valorisation de la dématérialisation. Comment peut on s’approprier un territoire virtuel ?
« On est dans l’ère de l’open-world où les expériences immersives associées permettent une familiarité plus ancrée de notre présence que dans les espaces réels. C’est via cette familiarité que j’ai voulu créer un monde où chacun s’y sentirait à sa place »
Le monde virtuel de « Pardès » désignant par son titre « Jardin » dans la tradition Kabbale est une construction d’un verger digital où les utilisateurs viennent se recueillir, méditer et partager des valeurs de tolérances, d’amours et de partages.
« La source même de ce projet est de créer des endroits utopiques pour rassembler celles et ceux qui se sentent exclus de notre société. De mes origines romanichelles, j’ai constamment été confronté au rejet territorial de ma communauté. Les Rroms n’ont jamais revendiqué de territoire, alors pourquoi pas en créer un qui nous appartiendrait ? »